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Épicure et ses remèdes contre les troubles de l’âme


La porte d’entrée que j’ai choisie pour ce Carnet de la tranquillité est celle de la philosophie d’Épicure, plus particulièrement sa Lettre à Ménécée. Épicure a fondé au 3e s. AEC une école qui s’était établie dans un jardin. D’ailleurs, on utilise parfois « l’école du Jardin » pour parler de l’épicurisme.


Ce courant a en commun avec d’autres écoles de philosophie – le stoïcisme, notamment, dont nous parlerons dans un autre billet – de considérer que le bonheur, qui est la fin de la vie de tout être humain, se trouve dans un état de calme de l’âme appelé « ataraxia » en grec. Est heureux celui ou celle qui connaît une absence de trouble. Mais comment accéder à l’ataraxie?

Pour Épicure, le bonheur se trouve dans le plaisir (« hêdonê ») parce qu’il est dans la nature de l’être humain de le rechercher. La philosophie du Jardin a suscité, de l’époque d’Épicure même et aussi à travers l’histoire de la philosophie, beaucoup d’hostilité. En effet, on a accusé les épicuriens d’associer le bonheur aux plaisirs intenses de la chair (on le fait encore aujourd’hui d’ailleurs, lorsqu’on dit d’une personne qui aime les plaisirs de la table qu’elle est « épicurienne »). Or, il s’agit là d’une caricature de l’épicurisme tel que préconisé par ses adeptes.


En effet, le plaisir procurant le bonheur doit être vu comme l’état d’équilibre qui résulte de la satisfaction d’un désir ou d’un besoin. Le plaisir est donc trouvé négativement. Il est apparenté à une sensation de plénitude et de calme à laquelle on accède à l’aide de ce que l’on appelle le quadruple remède ou « tetrapharmakon », qui réside, en fait, en quatre raisonnements philosophiques :

Premier remède. Il ne faut pas craindre la mort puisqu’on ne la rencontre jamais. Lorsque nous sommes vivants, elle n’est pas; lorsque l’on est mort, nous n’avons plus de sensation pour l’éprouver, l’âme étant faite d’atomes, particules matérielles qui se dispersent à notre décès.

Deuxième remède. Il ne faut pas craindre les Dieux. Ceux-ci n’ont rien à voir avec la conception folklorique que les Grecs s’en font habituellement. En effet, ces Êtres matériels incorruptibles ne s’inquiètent pas de notre sort puisqu’ils sont autarciques et ce serait une déchéance pour eux de se pencher sur notre monde de désirs incessants! Il ne sert donc à rien de rechercher leurs faveurs providentielles.

Troisième remède. Il importe de limiter nos désirs à ceux qui sont naturels et nécessaires (les besoins vitaux mais aussi le besoin de faire de la philosophie et d’avoir des amis). Les biens matériels, la popularité ou le pouvoir n’ont rien de nécessaire puisqu’ils n’entrainent pas de dommages lorsqu’on ne les satisfait pas.

Quatrième remède. Il ne faut pas craindre la douleur, car elle ne dure toujours qu’un temps limité et est généralement supportable. 

 

C’est donc par le « raisonnement sobre » – autrement dit, en faisant de la philosophie, en méditant sur les sources de troubles – qu’il est possible de trouver la tranquillité de l’âme. Les critiques faisant des épicuriens des débauchés ne sont donc nullement fondées. Il est au contraire recommandé de se satisfaire d’un style de vie très simple, car si les ressources viennent à manquer, le bonheur, lui, sera toujours accessible. 

 

La philosophie d’Épicure a des résonnances franchement contemporaines. Épicure aurait peut-être été associé au « slow living » et au mode de vie minimaliste, thèmes sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir dans les chroniques futures. 

Épicure nous convie à mener une vie de réflexions et de modération. C’est de cette manière que Ménécée, le destinataire d’Épicure, pourra ressembler le plus possible aux Dieux autarciques. En suivant les préceptes de l’épicurisme, il vivra « comme un dieu parmi les hommes. Car il n’est en rien semblable à un vivant mortel l’homme qui vit au milieu de biens immortels. »

 

Source : Épicure. Lettre à Ménécée (présentation et note par Pierre-Marie Morel), Paris, GF Flammarion, 2009.

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