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L’art de vivre selon le moine bouddhiste Thich Nhat Hanh

Dernière mise à jour : 15 oct. 2024


Puisque j’ai pris la résolution, dans ce blogue, de traiter de la tranquillité de l’âme et des moyens pour l’obtenir, il allait de soi que j’aborde la philosophie bouddhiste. À cette fin, j’ai choisi de faire un compte rendu des réflexions du moine bouddhiste Thich Nhat Hanh se retrouvant dans un ouvrage intitulé L’art de vivre et publié dans sa version française par les éditions Le jour en 2018.

 

Né en 1926 et surnommé affectueusement « Thay » (le maître d’école, en vietnamien), Thich Nhat Hanh est un moine de la tradition zen ayant écrit de très nombreux ouvrages sur le bouddhisme et s’étant engagé activement pour la paix au fil de sa vie. Il s’agit de l’un des pionniers ayant introduit le bouddhisme dans le monde occidental. Exilé en France pour une grande partie de sa vie, il a fondé le Village des pruniers, un ensemble de communautés qui ont essaimé à travers le monde.

 

L’art de vivre représente la pensée des deux dernières années d’enseignement de Thay sur l’art de vivre heureux et en pleine conscience. Il s’agit d’un ouvrage d’initiation à la pensée bouddhiste très accessible que je recommande sans hésiter.

  Le moine Thich Nhat Hanh

Le non-soi

 

Le bouddhisme tel que présenté par Thich Nhat Hanh consiste à se libérer de l’idée que nous sommes un soi séparé du reste de l’univers : il faut réaliser que « …la fleur est pleine de tout le cosmos, et qu’en même temps, elle est vide d’une existence séparée » (p. 24). Bien que nous ayons en nous le « manas », partie de notre conscience qui crée l’illusion du soi, il n’y a pas d’acteur derrière nos actions ni penseur derrière nos pensées, ce qui contraste avec la philosophie de Descartes, comme le dit lui-même le moine.

 

En méditant sur le non-soi, ce qu’on appelle aussi la concentration sur le vide, nous comprenons que nous n’existons pas par nous-mêmes, mais plutôt que les réalités de notre monde sont en symbiose. C’est ce que le moine appelle « l’inter-être ». En ce sens, la planète doit être perçue comme une cellule vivante géante dans laquelle tous les êtres interagissent sans cesse. D’ailleurs, tout comme nous, qui sommes en interconnexion avec le reste du cosmos, Dieu ne vit pas séparément du monde. Il n’est pas transcendant, mais se trouve à l’intérieur des êtres vivants aux yeux du moine bouddhiste.

 

Il y a une force de vie dans tout ce qui existe, même dans le rhizome du gingembre qui sait comment se transformer en plante. C’est ce qui amène le moine à affirmer que le bouddhisme préconise une vision tout à fait compatible avec le courant contemporain de l’écologie profonde.  La Terre est en effet un organisme vivant et il faut percevoir notre relation à celle-ci avec les yeux de la non-discrimination. Une conséquence de cet « inter-être » est que nous sommes appelés à cultiver la compassion pour les autres êtres vivants.

 

L’éternité

 

Puisque tout « inter-est », il faut conclure que c’est le cas aussi du corps et de l’esprit. Il n’existe pas d’âme séparée du corps et qui s’en échapperait après la mort. D’ailleurs, parce que nous « inter-sommes », nous ne pouvons affirmer que nous naissons et mourrons en des temps déterminés. La naissance et la mort sont des concepts historiques que la réalité véritable dépasse. Étant reliés au reste de l’univers, nous avons existé avant notre naissance et ce, dans le présent monde. En effet, comme il inter-est, on peut considérer qu’un enfant est la continuation de ses parents et que tous ses ancêtres sont présents dans chacun de ses actes. Et les êtres continuent à exister après leur mort à travers les conséquences de leurs actions et ceux qui leur survivent. Il n’y a pas donc de moment où nous n’avons pas existé; c’est ce sur quoi veut nous faire méditer le koan (phrase énigmatique suscitant la réflexion sur des principes du bouddhisme zen) suivant : « Quel était votre visage avant la naissance de votre grand-mère? ».

 

L’impermanence de toute chose

 

Il n’y a donc de passage de l’être au non-être. Pas non plus de réincarnation ni de karma pour Thay, contrairement aux croyances populaires associées au bouddhisme. Toutefois, si nous persistons dans le temps, nous ne sommes pas pour autant toujours identiques à nous-mêmes. Le monde, d’un point de vue bouddhiste, est en constance transformation. Nous mourrons et renaissons à chaque instant. À la manière d’Héraclite, qui affirmait qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve et que Thay cite expressément, il y a impermanence à travers le temps. Rien ne reste identique à soi-même, pas même l’âme ou le soi. Nous sommes plutôt constitués de cinq fleuves en constant changement : le corps physique, les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience.

 

L’absence de but et le moment présent

 

Ces réflexions sur l’inter-être, l’absence de finitude de l’être humain et l’impermanence ne peuvent que désamorcer notre crainte d’approcher de la mort. Le bouddhisme est une invitation à la tranquillité et la liberté. D’ailleurs, l’art de vivre heureux pour Thich Nhat Hanh, c’est aussi de laisser-aller les objets de notre convoitise pour vivre le moment présent dans la simplicité, ce qui n’est pas sans nous rappeler la philosophie d’Épicure dont nous avons parlé lors de notre chronique précédente. Il s’agit de cultiver l’ « absence de but » afin de se libérer des tourments incessants de la vie quotidienne.

 

Le bonheur, selon la vision bouddhiste de Thay, se réalise en se libérant des regrets vis-à-vis le passé et des inquiétudes face au futur. Il demande un laisser-aller face à notre désir de posséder toujours plus de biens matériels, biens qui nous aspirent vers l’avenir et qui, lorsqu’on les possède, n’assouvissent généralement pas notre avidité. Le bonheur est donc synonyme de plénitude et d’autarcie, puisqu’il est produit par un état de pleine conscience et d’appréciation de l’instant présent. C’est ce que Thay appelle l’ « aise », c’est-à-dire un état de tranquillité et de paix. Nous ne sommes dons pas très loin de l’ataraxie des philosophes de l’Antiquité.

 

Le bonheur véritable

 

Selon Thich Nhat Hanh, le bonheur est le chemin menant vers l’éveil, et non l’éveil en soi. Il se trouve en cours de route, en appréciant le moment présent. Aussi, nous sommes tous aptes à trouver l’éveil comme l’a fait le Bouddha lorsqu’il a médité pendant une nuit sous l’arbre de la Bodhi. Il s’agit pour ce faire de développer la pleine conscience de la réalité véritable.

 

Le bonheur n’est pas incompatible avec la souffrance. Le Bouddha lui-même a continué à vivre comme être humain soumis à l’affliction même après l’éveil. Malgré la douleur que notre corps peut expérimenter, le bonheur peut donc, comme pour le Bouddha, se savourer pendant notre vie actuelle en pratiquant la pleine de conscience du non-soi et de l’impermanence, et en cultivant la compassion pour les vivants avec qui nous sommes interconnectés.

 


Source: Thich Nhat Hanh. (2018). L’art de vivre: réflexions et méditations pour trouver la paix en soi. Éditions Le jour.

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